Le Travail des enfants

 

Le travail des enfants est la participation de personnes mineures à des activités à finalité économique et s’apparentant plus ou moins fortement à l’exercice d’une profession par un adulte.

Au niveau international, l’Organisation internationale du travail (OIT)[1] le définit en comparant l’âge à la pénibilité de la tâche, du moins pour les enfants de plus de douze ans (voir plus bas pour les détails).

En pratique, parmi les enfants travailleurs, on distingue le travail « acceptable » (léger, s’intégrant dans l’éducation de l’enfant et dans la vie familiale, permettant la scolarisation) et le travail « inacceptable » (trop longtemps, trop jeune, trop dangereux, etc.) ; c’est ce dernier que recouvre généralement la notion de « travail des enfants ». On estime en 2000 que plus de 210 millions d’enfants de 5 à 14 ans et de 140 millions d'adolescents de 15 à 17 ans exerceraient une activité économique[2] sont concernés dans le monde ; plus de 8 millions se trouvent dans une des « pires formes de travail des enfants » : enfants soldats, prostitution, pornographie, travail forcé, trafics et activités illicites.

Le travail des enfants est le sujet de nombreuses idées reçues dans le monde occidental, car il est surtout connu par les scandales médiatisés : un enfant au travail est vu typiquement comme un « enfant-esclave », dans un pays du tiers monde, employé dans un atelier textile asiatique pour une grande marque de vêtements ou enfant des rues en Amérique du Sud[3]. En réalité, il y a des enfants au travail dans quasiment tous les pays du monde, y compris des pays développés comme l’Italie ou les États-Unis ; les usines et les ateliers textiles masquent le fait que plus des trois quarts de ce travail se trouve dans l’agriculture ou les activités domestiques, dans la sphère familiale ; et si les enfants-esclaves existent, ils ne forment qu’une minorité. Il existait aussi bien avant l’industrialisation ou la mondialisation, même si ces deux phénomènes ont rendu le travail des enfants plus visible[4].

Si l’élimination des « pires formes de travail » n’est pas discutée, l’abolition est en revanche un sujet de débat pour les autres enfants ; la lutte contre la pauvreté et les mauvaises conditions de travail reste un objectif commun aux « abolitionnistes » comme aux organisations plus pragmatiques. Depuis 1992, le programme IPEC tente de fédérer les actions entreprises.

 

Jeune enfant travaillant seule. Photographiée à Aït-Ben-Haddou, au Maroc, le 17 mai 2008.

 

Jeune berger au Sénégal.

Âge minimum et travail

L’Organisation internationale du travail retient les définitions suivantes dans ses publications qui servent souvent de référence lors de l’analyse du travail des enfants[5] :

  • Un enfant est une personne de moins de 18 ans[6] ; puisqu’il est souvent considéré que les enfants de moins de 5 ans sont trop jeunes pour travailler[7] (même s’il existe des cas d’abus), les statistiques ne prennent souvent en compte que les enfants entre 5 et 17 ans.
  • Le travail est défini comme une « activité économique »[8], qu’elle soit payée ou non. Ce dernier cas permet d’inclure l’économie informelle ou le travail domestique dans un autre foyer que le sien. Les enfants sont ainsi répartis dans cinq catégories : travaillant, travaillant et allant à l’école, allant à l’école et ne travaillant pas, travail domestique, et aucune activité (malade, éducation informelle, etc.).

Ces définitions sont essentiellement statistiques et ne servent pas à établir la limite entre un travail « acceptable » (au vu des conventions internationales) ou non. La convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’emploi de 1973 est le document de référence à ce sujet actuellement[9]. Elle distingue un âge minimum général, un âge minimum pour les travaux légers et un autre pour les travaux dangereux. Elle distingue aussi les « pays où les services économiques et d’éducation sont insuffisamment développés » et les autres ; pour les autres pays, l’âge minimum général est de 15 ans ou l’âge de fin de scolarisation obligatoire s’il est plus élevé (14 ans dans ces pays en développement) ; pour les travaux légers, 13 ans (resp. 12 ans) ; pour les travaux dangereux, 18 ans, voire 16 ans selon certaines conditions (idem).

Type de travail, acceptabilité

Diagramme des différents types de travaux des enfants, d’après l’OIT[2]. Les chiffres correspondent au nombre d’enfants dans ces conditions (en millions), d’après l’évaluation globale de 2002. La ligne pointillée sépare les formes acceptables et non-acceptables au sens de l’OIT.

La convention no 138 de l’OIT impose de définir également les travaux « légers » et « dangereux ». D’après cette même convention, un « travail léger » doit être sans danger pour la santé et le développement de l’enfant et ne doit pas l’empêcher d’aller à l’école ou de « bénéficier de sa formation ». C’est ce que l’Unicef appelle childwork (ou « travail conforme aux normes de l’OIT ») : ces travaux sont souvent bénéfiques pour leur éducation[10]. Dans les statistiques, cela est souvent simplifié pour devenir « un travail non dangereux prenant moins de 14 heures par semaine ». Les deux autres catégories de travaux sont les travaux dits dangereux et les « pires formes de travail des enfants » (en anglais : Unconditional worst forms of child labour).

Un « travail dangereux » est de façon générale ce qui peut « compromettre la santé ou la sécurité physique ou morale d’un enfant » ; plus précisément, cela inclut les métiers de la construction, dans les mines, avec certaines machines, au contact de pesticides, de plus de 43 heures par semaine, etc. : la convention OIT no 190 définit ces formes plus précisément, de même que les lois nationales.

L’Unicef retient la notion de child labour (ou « travail non conforme aux normes de l’OIT »)[10] en y incluant les travaux dangereux (tous âges), les moins de 12 ans qui travaillent dans une des branches de l’économie et les travaux non dangereux effectués plus de 14 heures par semaine (12-14 ans).

Les « pires formes de travail des enfants » sont définies par la convention OIT no 182, article 2, et incluent le trafic d'enfants, le travail forcé ou en remboursement d’une dette, la participation des enfants à des conflits armés (en tant qu’enfants soldats mais aussi comme messagers, porteurs, etc.), l’exploitation sexuelle par la prostitution et la pornographie ainsi que les activités illicites comme le trafic de drogue (voir les détails dans la partie dédiée).

Histoire[modifier]

Il semble que les enfants aient travaillé depuis l’Antiquité, principalement aux champs avec leurs parents et en participant aux tâches domestiques. En Europe et en Amérique du Nord, la Révolution industrielle entraîne une prise de conscience de leurs conditions de travail et mène progressivement à une restriction du travail des enfants. Dans les pays actuellement « en développement », ce n’est qu’à partir de la mondialisation du XXe siècle qu’une véritable prise de conscience s’opère[3].

Avant l’industrialisation

Scène de gaulage d’olives par des adolescents en Grèce antique.
Amphore à col attique à figures noires du Peintre d’Antiménès, vers 520 av. J.-C., British Museum, Londres.

Le travail des enfants existe depuis l’Antiquité : l’enfance étant alors une période courte en raison de la faible espérance de vie, les jeunes filles sont mariées tôt (14 à 15 ans[11]) et les enfants participent aux tâches domestiques et agricoles. Le cercle familial est le principal « lieu de travail », les enfants participant ainsi à l’économie du ménage. Si les garçons apprennent progressivement le métier du père, les filles sont éduquées à la tenue de la maison puis, à partir du Moyen Âge, sont employés dans l’artisanat à domicile, par exemple avec le tissage[12]. L’éducation au Moyen Âge n’est guère répandue et reste réservée aux familles aisées. Toujours à partir du Moyen Âge, les enfants commencent à travailler hors du foyer pour répondre à la fois à la demande d’employeurs à la recherche de main-d’œuvre peu coûteuse et au besoin des familles pauvres de survenir à leurs besoins : les garçons sont affectés aux travaux des champs et les filles travaillent comme servantes.

Des contrats de travail apparaissent sous la forme de « contrats de louage »[11] ou de placement comme apprenti dans les corporations des villes et ce dès 12 ou 13 ans. On trouve ainsi des enfants et adolescents sur les grands chantiers de construction, bénéficiant toutefois d’un salaire inférieur à celui d’un adulte quand ils en reçoivent un[13]. Les enfants abandonnés et les orphelins (environ 2 000 abandonnés par an à Paris au début du XVIIIe siècle, 35 000 par an en France vers 1830)[14] sont mis au travail par les institutions qui les recueillent, comme pour des travaux de couture vendus par la suite, mais aussi placés en apprentissage. Certaines mineures sont prostituées et des enfants vivent de la mendicité comme c’est parfois le cas actuellement.

À la fin du XVIIIe siècle, l’école reste toujours aussi peu répandue et les enfants sont couramment placés comme valets de ferme à la campagne (dès 9 ou 10 ans) ou comme domestiques en ville. On en rapporte ainsi plus de 120 000 à Londres dans les années 1850[12]. Le travail informel se développe avec les grandes villes et l’on trouve ainsi de jeunes cireurs de chaussures, vendeurs de journaux, porteurs, éboueurs ; on trouve même des enfants dans les théâtres et les cirques à Paris. En l’absence de protection sociale, leur salaire sert de supplément à celui des parents et permet entre autres de subvenir à leurs propres besoins.

La Révolution industrielle

Les enfants ouvriers

Dans une usine américaine à Newberry, Caroline du Sud, en 1908.

La Révolution industrielle survient tout d’abord au Royaume-Uni et en France à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Alors que les nombreuses manufactures, les mines ou les chantiers embauchent des ouvriers en masse, ceux-ci, le plus souvent avec de nombreux enfants et un faible revenu, encouragent leurs enfants à entrer avec eux à l’usine où ils effectuent les tâches subalternes dans les mêmes mauvaises conditions que les adultes. On trouve ainsi des enfants dans les cotton mills du Nord de l’Angleterre, dans les docks et les ateliers textiles des États-Unis ou dans les filatures françaises[12].

Le travail des enfants, avec celui des femmes, a trois avantages pour les industriels. Il permet de faire pression à la baisse sur les salaires des ouvriers adultes masculins ; il permet de livrer la famille entière au travail ouvrier, ce qui accélère la rupture avec le monde rural traditionnel ; enfin il fournit une main-d’œuvre plus abondante, permettant d’utiliser les machines à plein rendement[15].

La souplesse et la petite taille des enfants leur attribueraient des aptitudes que les adultes n’ont pas. Ils sont employés à des travaux très précis, ils peuvent tirer en rampant les berlines dans les boyaux des mines (Hercheur), nettoyer les parties les moins accessibles des machines ou encore rattacher les fils brisés derrière les métiers à tisser[15]. Le travail est très précoce : les enfants de quatre ans sont assez recherchés afin d’être « formés » sur les machines dès qu’ils en ont l’aptitude physique[15].

En Angleterre, les paroisses, qui ont la charge du secours aux enfants déshérités, les vendent aux industriels, par l’intermédiaire de petites annonces dans la presse, lorsqu’elles ne souhaitent plus les secourir ou font face à des surplus d’enfants. Cette traite se fait souvent sans même l’avis des parents[15].

Le travail est non seulement très dur, mais les enquêtes de l’époque témoignent en outre de sévices infligés par des employeurs : les membres trop courts des enfants sont adaptés à la machine par des appareillages, ils sont fouettés lorsque la cadence de production se met à baisser[15]. Ces conditions ont des conséquences sanitaires. Comme les femmes, les enfants travaillant dans le textile sont souvent frappés par la tuberculose, du fait de la poussière et de l’humidité. Ils subissent aussi l’asthme, les allergies diverses. Les enfants souffrent plus particulièrement de scolioses et de rachitisme. D’après une enquête de la British Association de 1878, les garçons de onze et douze ans des milieux ouvriers ont une taille en moyenne inférieure de 12 cm à ceux des milieux bourgeois et aristocratiques allant à l’école[16].

Au cours du XIXe siècle, l’importance du travail des enfants varie selon les secteurs et les périodes. Ainsi, si en Angleterre la part des enfants dans la main-d’œuvre de l’industrie cotonnière est de seulement 5 % en 1850, contre 13,3 % en 1834, elle remonte beaucoup à l’occasion des crises économiques (14 % en 1874)[15]. L'historien Howard Zinn précise qu'aux États-Unis en 1880, un enfant de moins de seize ans sur six travaille[17].

La prise de conscience

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
« Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait — c’est là son fruit le plus certain —
D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l’homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l’on s’abâtardit,
Maudit comme l’opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu’il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, saint, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l’homme heureux !



Victor Hugo, Les Contemplations, 1838 (Texte complet)

Si la révolution industrielle n'a peut-être pas accru le nombre d’enfants au travail – car nombre d’entre eux étaient auparavant affectés aux travaux des champs ou aux tâches domestiques – ce sont les nouvelles conditions induites par l'industrialisation et le développement d'une discipline du travail propre au fonctionnement des nouvelles fabriques qui en ont profondément affecté la nature[18]. L’historien E. P. Thompson soutient que l’intensité du travail des enfants s’est considérablement accrue entre 1780 et 1840 et il précise : « Dans les fabriques, la main d'œuvre enfantine et adolescente augmentait tous les ans ; et, dans plusieurs métiers "indignes", la journée de travail s'allongeait et le travail s'intensifiait[19]. » D’après Paul Bairoch, ils commencent à travailler plus jeunes, et les conditions de travail sont aggravées par l’absence des parents dans la mesure où les enfants ne travaillent plus pour leurs parents comme dans les sociétés traditionnelles. La durée du travail s’allonge (parfois à 16 heures par jour dans la première phase de l’industrialisation), pour des tâches monotones et répétitives, et ce pour des salaires dérisoires[20].

L’arrivée massive des enfants dans les usines rend bien visibles leurs conditions de travail misérables et surtout les expose grand jour. Des enquêtes permettent d’obtenir des évaluations du phénomène. La Statistique générale de la France de 1840 recense 130 000 enfants de moins de 13 ans dans les ateliers de plus de dix salariés, 20 % des mineurs de Carmaux sont des enfants en 1850[21] et vers 1840, les enfants forment 12 % des ouvriers de l’industrie. Les accidents dans les usines, les éboulements et les explosions dans les mines causent de nombreux blessés et morts et attirent l’attention du public.

Les premiers rapports émanent de médecins, d’inspecteurs ou d’élus décrivant les accidents et les conditions de travail des enfants. De même, les œuvres de Charles Dickens puis d’Émile Zola ont un certain retentissement ; le travail des enfants est utilisé pour dénoncer l’exploitation de la classe ouvrière (Karl Marx et Friedrich Engels, dans le Manifeste du parti communiste, prônent ainsi l’interdiction du travail des enfants). Une partie des industriels réplique que la petite taille des enfants leur permet d’effectuer certains tâches impossibles aux adultes (un point actuellement réfuté mais couramment admis à l’époque) et que l’emploi d’enfants leur évite de devenir des vagabonds, contribue ainsi à la paix sociale et aide les familles pauvres. Entre ces deux positions, la réglementation puis l’abolition du travail des enfants en Europe et en Amérique du Nord prend plus d’un siècle[12].

Abolition progressive en Europe et aux États-Unis

Le travail des enfants est d’abord réglementé avant d’être aboli. En Angleterre, le Factory Act de 1833 interdit, dans l’industrie textile, le travail des enfants de moins de 9 ans, et limite le temps de travail journalier en fonction de l’âge (10 heures pour les enfants de 9 à 14 ans, 12 heures pour ceux entre 14 et 18 ans) ; cette loi n’est élargie à l’ensemble des activités qu’en 1853[22]. En France, Villermé publie son Tableau de l’état physique et moral des ouvriers, tableau horrifiant des conditions de travail des enfants, tandis que Dupin écrit Du travail des enfants en 1840, ce qui mène à la loi du 21 mars 1841 portant l’âge minimum à 8 ans et limitant le travail de nuit. La durée de travail est aussi réglementée et la scolarisation obligatoire jusqu’à 12 ans mais ces mesures n’ont que peu d’effet[12], Villermé dénonçant des industriels qui cachent les enfants lors d’inspections. En 1874, une nouvelle loi limite l’emploi avant 12 ans. Aux États-Unis, certains états industriels comme le Connecticut ou le Massachusetts limitent la durée de travail à dix heures quotidiennes en 1843.

À la fin du XIXe siècle en Europe, l’âge minimum est encore de 9 ans en Italie, 10 ans au Danemark, 12 ans en Allemagne et aux Pays-Bas mais de 14 ans en Suisse. Le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés est prohibé avant 16 ans dans de nombreux pays. L’âge minimum pour la descente dans les mines est en général de un à deux ans plus élevés. La durée de travail est ramenée à 6 heures en Angleterre avant 14 ans, 8 heures en Italie, 12 heures en Belgique[23].

Deux filles arborant des slogans « Abolish child slavery » (« Abolissez l’esclavage des enfants »), en anglais et en yiddish, pendant la labor parade à New York le 1er mai 1909.

L'arrivée de la scolarisation obligatoire est le facteur le plus décisif de la baisse du travail des enfants en Europe. L’école entre d’abord en conflit avec l’usine : pour les parents, la scolarité coûte cher tandis qu’avoir un enfant qui travaille améliore l’ordinaire ; pour les industriels, les horaires de l’école concurrencent les heures de travail autorisées. En France, il faut l’imposition de l’école primaire obligatoire de 6 à 13 ans par Jules Ferry en 1880-1881. Sa gratuité permet de changer les mentalités en faisant de l’école la norme, même pour les enfants d’ouvriers. Les allocations familiales octroyées en fonction de l’assiduité scolaire contribuent encore à cette généralisation, tout en compensant pour les familles pauvres la perte de salaire associée à la fin du travail[12]. C’est aussi cette mesure qui a permis de réduire significativement le travail domestique et agricole des enfants, jusque-là invisible pour le législateur.

Les autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont suivi des voies similaires tout en relevant l’âge minimum au cours du XXe siècle pour atteindre généralement 16 ans à la fin de la scolarité obligatoire (en France en 1959, aux États-Unis en 1938).

Les pays en développement

Moulin à canne à sucre, Libéria, 1968.

Si le travail des enfants existe toujours dans les pays développés, son incidence y est devenue et restée faible dans la seconde moitié du XXe siècle : l’OIT indique qu’environ 3 % des enfants des pays industrialisés sont « économiquement actifs ». En revanche, dans les pays en développement, l’incidence du travail des enfants reste élevée, faute d’un développement économique ou social comparable à celui de l’Europe ou des États-Unis. De même que dans ces pays, ce travail est resté en grande partie « invisible », souvent cantonné à la sphère familiale ou aux zones rurales.

La mondialisation a changé cet état et, à l’image de la révolution industrielle, a rendu plus visible ce travail et les conditions sordides qui l’entourent parfois. Dans les années 1980, certains scandales ont ainsi attiré l’attention du public occidental sur les enfants travaillant dans les ateliers de confection asiatiques (les fameux ateliers de misère ou « sweatshops ») ou sur les enfants des rues survivant de petits travaux. Certaines ONG, tant locales qu’internationales, se sont créées dans le but d’éliminer le travail des enfants. L’OIT a lancé le « Programme focal sur le travail des enfants » en 1992 et des campagnes ont été menées afin de pousser les entreprises européennes et nord-américaines ainsi que les multinationales à ne pas utiliser le travail des enfants. La première estimation globale du nombre d’enfants au travail paraît en 1996 puis est révisée en 2002. Cette estimation a permis de mieux saisir l’ampleur du phénomène ainsi que ses caractéristiques. Toujours en 2002, le 12 juin a été déclaré « journée mondiale contre le travail des enfants ».

Situation actuelle

Estimations globales

Jeune berger Maasai au Kenya en 1979 : le travail avec la famille dans l’agriculture reste majoritaire, et difficilement quantifiable.
Suite !!

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