Le 28 octobre 1940, les forces italiennes décidèrent d'envahir la Grèce suite au refus du dictateur grec Ioánnis Metaxás d'accepter l'ultimatum lancé par les Italiens. S'ensuivit la bataille de Grèce, à laquelle les Juifs prirent part. 12 898 d'entre eux s'engagèrent dans l'armée grecque[26] ; 4 000 participèrent aux campagnes d'Albanie et de Macédoine ; 513 affrontèrent les Allemands et, au total, 613 Juifs furent tués, dont 174 de Salonique. La brigade 50 de Macédoine était surnommée « bataillon Cohen » en raison du grand nombre de Juifs dont elle était constituée[26]. Après la défaite grecque, beaucoup de soldats juifs eurent les pieds gelés en rentrant chez eux à pied.
Occupation
La Grèce du Nord, et donc Thessalonique, revint aux Allemands tandis que le sud de la Grèce tomba aux mains des Italiens qui, durant la période où ils occupèrent la région (jusqu'en septembre 1943), n'appliquèrent pas de politique antijuive[26]. À Thessalonique, où les Allemands entrèrent le 9 avril 1941, ils ne mirent en place que très progressivement des mesures antisémites. L'officier allemand Max Merten, en charge de l'administration de la ville, ne cessait de répéter que les lois de Nuremberg ne s'appliqueraient pas à Salonique[22]. La presse juive fut très rapidement interdite, alors que deux quotidiens grecs pro-nazis, Nea Evropi et Apoyevmanti, firent leur apparition. Des maisons et édifices communautaires furent réquisitionnés par l'occupant, y compris l'hôpital construit grâce aux subsides du baron Hirsch. Fin avril, des panneaux interdisant aux Juifs l'entrée des cafés firent leur apparition, puis l'on obligea les Juifs à se séparer de leurs radios. Le grand-rabbin de Salonique, Zvi Koretz, fut arrêté par la Gestapo le 17 mai 1941 et envoyé dans un camp de concentration près de Vienne, d'où il revint fin janvier 1942 pour reprendre son poste de rabbin[27]. En juin 1941, la commission Rosenberg arriva sur place et pilla les archives juives, envoyant des tonnes de documents communautaires à l'Institut nazi de recherche juive à Francfort. Par ailleurs, les Juifs souffraient de la famine comme le reste de leurs concitoyens, le régime nazi n'attachant aucune importance à l'économie grecque. On estime qu'en 1941–1942 soixante Juifs de cette cité moururent chaque jour de faim.[26]
Pendant un an, aucune autre mesure antisémite ne fut prise ce qui donna momentanément aux Juifs un sentiment de sécurité.
Par une chaude journée de juillet 1942, le jour du chabbat, tous les hommes de la communauté âgés de 18 à 45 ans furent rassemblés sur la place de la Liberté. Durant tout l'après midi, on les obligea à faire des exercices physiques humiliants sous la menace des armes. Quatre mille d'entre eux furent envoyés effectuer des travaux de voirie pour l'entreprise allemande Müller sur les routes reliant Salonique à Kateríni et Larissa, zones où sévissait le paludisme[26]. En moins de dix semaines, 12 % d'entre eux moururent d'épuisement et de maladie. La communauté salonicienne, aidée de celle d'Athènes, parvint à réunir deux milliards sur l'énorme somme de 3,5 milliards de drachmes demandée par les Allemands pour que les travailleurs forcés soient rapatriés. Les Allemands acceptèrent de les libérer mais, en contrepartie, exigèrent à la demande des autorités grecques l'abandon du cimetière juif de Salonique qui contenait de 300 000[28] à 500 000[29] tombes ; par sa taille et son emplacement, il avait longtemps gêné la croissance urbaine de Salonique. Les Juifs commencèrent le transfert des tombes vers deux terrains qui leur avaient été alloués en périphérie, mais les autorités municipales, prétextant la lenteur de l'opération, décidèrent de prendre les choses en main. Cinq cents ouvriers grecs payés par la municipalité se lancèrent dans la destruction des tombes[29]. Le cimetière ne tarda pas à être transformé en une vaste carrière où Grecs et Allemands allaient chercher des pierres tombales qui servirent de matériel de construction[29]. Sur ce site s’étend de nos jours, entre autres, l'université Aristote[28].
On estime qu'entre le début de l'occupation et la fin des déportations, 3 000 à 5 000 Juifs parvinrent à s'échapper de Salonique, trouvant un refuge temporaire en zone italienne. Parmi ceux-ci, 800 possédaient la nationalité italienne et furent tout au long de la période d'occupation italienne activement protégés par les autorités consulaires de ce pays. 800 Juifs prirent le maquis dans les montagnes macédoniennes au sein de la Résistance grecque communiste, l'ELAS ; le mouvement royaliste de droite, pour sa part, n'accueillit pratiquement aucun Juif[26].
« Destruction des Juifs de Salonique »[30]
54 000 Sépharades de Salonique furent expédiés dans les camps d'extermination nazis. Près de 98 % de la population juive totale de cette ville connut la mort durant la guerre. Seul le judaïsme polonais connut un taux de destruction plus important[26].
Pour mener à bien cette opération, les autorités nazies dépêchèrent sur place deux spécialistes en la matière, Alois Brunner et Dieter Wisliceny, qui arrivèrent le 6 février 1943[22]. Immédiatement, ils firent appliquer les lois de Nuremberg dans toute leur rigueur, imposant le port de l'étoile jaune et restreignant drastiquement la liberté de circulation des Juifs[22]. Ceux-ci furent rassemblés fin février 1943 dans trois ghettos (Kalamaria, Singrou et Vardar/Agia Paraskevi) puis transférés dans un camp de transit du quartier du baron Hirsch jouxtant la gare. Là, les trains de la mort les attendaient. Pour accomplir leur mission, les SS s'appuyèrent sur une police juive créée pour l'occasion, dirigée par Vital Hasson qui se livra avec ses hommes à de nombreuses exactions contre le reste des Juifs[22].
Le 15 mars partit le premier convoi. Chaque train emportait de 1 000 à 4 000 Juifs traversant toute l'Europe centrale principalement vers Birkenau. Un convoi partit pour Treblinka et il est possible que des déportations pour Sobibor aient eu lieu, puisqu'on retrouva des Juifs saloniciens dans ce camp. La population juive de Salonique était tellement nombreuse que la déportation dura plusieurs mois pour s'achever, le 7 août[26], avec la déportation du grand-rabbin Tzvi Koretz avec d'autres notables dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, sous un régime relativement bon. Dans ce même convoi se trouvaient 367 Juifs protégés par leur nationalité espagnole qui connurent un destin singulier : transférés depuis Bergen-Belsen jusqu'à Barcelone puis au Maroc, certains parvinrent finalement en Palestine mandataire[26],[31].
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette hécatombe qui contraste avec le cas d'Athènes, où une grande partie des Juifs parvint à échapper à la mort. D'une part, l'attitude du Judenrat, et en premier lieu de celui qui fut à sa tête durant la période précédant les déportations, le grand rabbin de Salonique Zvi Koretz, a été très critiquée. On lui a reproché d'avoir appliqué les directives nazies avec docilité et d'avoir minimisé les craintes des Juifs concernant leur transfert en Pologne alors même que celui-ci, de nationalité autrichienne et donc de langue maternelle allemande, était supposé être bien renseigné[32]. Des rumeurs ont même couru, l'accusant d'avoir sciemment collaboré avec l'occupant[32]. Une étude récente tend néanmoins à relativiser son rôle dans les déportations[32]. Un autre facteur fut la solidarité dont firent preuve les familles qui refusaient de se séparer dans l'adversité ; cette volonté de faire face ensemble ne facilita pas les initiatives individuelles. On a aussi fait remarquer qu'il était difficile aux Juifs de se cacher du fait de leur méconnaissance de la langue grecque, imposée seulement quand Salonique passa sous souveraineté grecque en 1913. De plus, la taille importante de la communauté limitait les opportunités de se fondre dans la population grecque orthodoxe comme ce fut le cas à Athènes. Il existait par ailleurs un antisémitisme latent dans une partie de la population grecque, notamment parmi ceux qui avaient dû fuir l'Asie mineure lors des transferts de population entre Grèce et Turquie. Arrivés en masse à Salonique, ces immigrants se trouvaient exclus du système économique et, pour certains, regardaient avec hostilité la population juive, parfois plus riche, qu'ils assimilaient à l'ancien pouvoir ottoman[27]. Néanmoins, le Yad Vashem a distingué 265 Grecs (dont la princesse Alice, belle-fille du roi Georges Ier) comme justes parmi les nations, soit la même proportion que parmi la population française[27].
À Birkenau, environ 37 000 Saloniciens furent gazés immédiatement, surtout les femmes, les enfants et les personnes âgées[26]. Près d'un quart des 400 expérimentations commises sur des Juifs le furent sur des Juifs grecs, en particulier ceux de Salonique. Ces expériences incluaient l'émasculation, l'implantation du cancer du col de l'utérus sur les femmes. La plupart des jumeaux périrent victimes de crimes atroces[26]. Les autres Saloniciens durent travailler dans les camps. Dans les années 1943–1944, ils représentaient une part importante de la main d'œuvre de Birkenau : ils étaient environ 11 000. En raison de leur méconnaissance du yiddish, les Saloniciens furent envoyés en nombre pour nettoyer les décombres du ghetto de Varsovie en août 1943 afin d'y construire un camp. Parmi les 1 000 Saloniciens employés à cette tâche, une petite vingtaine parvint à s'échapper du ghetto par les égouts et à rejoindre la résistance polonaise, l'Armaya Ludova, qui organisait l'insurrection[33],[26].
Beaucoup de Juifs de Salonique furent aussi intégrés dans les sonderkommandos. Le 7 octobre 1944, ils lancèrent avec d'autres Juifs grecs un soulèvement planifié à l'avance, prenant d'assaut les crématoires et tuant une vingtaine de gardes. Une bombe fut lancée dans le fourneau du crématoire III, détruisant le bâtiment. Avant d'être massacrés par les Allemands, les insurgés entonnèrent un chant des partisans grecs et l'hymne national grec[34].
Dans son livre Si c'est un homme, l’un des ouvrages les plus célèbres de la littérature de la Shoah, Primo Levi évoque dans une courte description le groupe des « quelques rescapés de la colonie juive de Salonique », ces « Grecs, immobiles et silencieux comme des sphinx, accroupis sur le sol derrière leurs gamelles de soupe épaisse[35] ». Ces derniers membres de la communauté encore vivants courant 1944 font une forte impression à l’auteur. Il note que « malgré leur faible nombre leur contribution à la physionomie générale du camp et au jargon international qu'on y parle est de première importance. » Selon lui, leur capacité à survivre dans les camps s'explique en partie par le fait qu’ils constituent dans le Lager «le groupe national le plus cohérent et de ce point de vue le plus évolué». Erika Perahia Zemour, directrice du musée de la Présence juive de Salonique analysant ces propos rapporte que ce sentiment patriotique décrit par un observateur extérieur ressort aussi dans le récit des déportés saloniciens et tire ses origines de la politique philosémite de Metaxás avant-guerre[21].
L'après-guerre
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, une violente guerre civile éclata en Grèce. Elle dura jusqu'en 1949, opposant les forces du gouvernement d'Athènes soutenu par les Britanniques à la puissante résistance communiste, l'ELAS. Certains des Juifs de Salonique qui avaient échappé à la déportation y prirent part, soit au sein des forces gouvernementales, soit dans le camp adverse[36]. Parmi ceux qui avaient combattu au sein de l'ELAS, beaucoup furent victimes, comme les autres partisans, de la répression qui s'abattit sur le pays après que le gouvernement eut repris le contrôle de la situation[36].
Des quelques rescapés des camps, certains choisirent de ne pas retourner en Grèce et émigrèrent en Europe occidentale, en Amérique ou en Palestine mandataire et d'autres prirent le chemin du retour[36]. Ils furent tous confrontés à de grandes difficultés pour survivre et mener à bien leur projet tant l'Europe de l'immédiate après guerre était dans un état chaotique. Ils souffrirent par ailleurs de discrimination de la part de certains rescapés ashkénazes qui mettaient en doute leur judéité[36].
L'arrivée à Salonique fut un choc supplémentaire, les rescapés étaient souvent les seuls survivants de leur famille et ils trouvèrent leurs maisons occupées par des familles grecques qui les avaient rachetées aux Allemands[36]. Ils durent dans un premier temps être hébergés dans les synagogues. Un comité juif (Komite Djudio) fut monté pour recenser le nombre de rescapés et obtint auprès de la Banque de Grèce la liste des 1 800 maisons vendues aux Grecs[36]. Ces derniers se montrèrent très réticents à rendre leurs biens aux Juifs, arguant qu'ils avaient acheté ces maisons et qu'eux aussi avaient souffert de la guerre[36]. Au sortir de la guerre, l'ELAS, qui contrôlait la ville, favorisa le retour des biens juifs à leurs propriétaires[37] mais quatre mois plus tard, lorsque le gouvernement d'Athènes soutenu par les Britanniques prit le pouvoir à Thessalonique, la restitution fut peu à peu gelée. Non seulement le gouvernement composé de Venizelistes devait faire face à une importante crise du logement en raison de l'afflux de réfugiés provoqué par la guerre, mais de surcroît de nombreux collaborateurs qui s'étaient enrichis durant la guerre y étaient influents, le gouvernement dans une optique de lutte anticommuniste s'étant rapproché des anciens sympathisants du régime hitlérien[37]. L'envoyé sur place de l'Agence juive dénonça le climat d'antisémitisme et préconisa l'Aliyah des Juifs[36]. Peu à peu, une aide internationale du Joint se mit en place afin de secourir les Juifs de Salonique. Certains des Juifs sauvés de la déportation par les Grecs choisirent de se convertir à l'orthodoxie. Des rescapés des camps, souvent les plus isolés, firent le même choix[36]. Il y eut aussi nombre de mariages éclair dans l'immédiate après-guerre, les survivants désirant ainsi reformer une famille qu'ils avaient perdu[36]. Un rescapé témoigne :
« Torni a un Saloniko destruido. Esperava topar a mi ermano adoptado ma de rumores entendi ke el murio de malaria en Lublin. Ya savia ke mis djenitores fueron kemados en sus primeros dias en el kampo de eksterminasion de Aushwitz. Estava solo. Los otros prizonieros ke estavan kon mi no tenian mas a dinguno. En akeyos dias me ati a una djovena ke avia konosido en Bruxelles. No mos despartimos el uno del otro. Los dos eramos reskapados de los kampos. Despues de kurto tiempo mos kazimos, dos refujiados ke no tenian nada, no avia mizmo un rabino para ke mos de la bindision. El direktor de una de las eskolas djudias sirvio de rabino i mos kazo i ansina empesi en una mueva vida. »
« Je revins dans Salonique détruite. J'espérais retrouver mon frère adoptif mais des rumeurs m'apprirent qu'il était mort de la malaria à Lublin. Je savais déjà que mes géniteurs avaient été brûlés dès leurs premiers jours au camp d'extermination d'Auschwitz. J'étais seul. Les autres prisonniers qui étaient avec moi n'avaient personne non plus. Ces jours là, je me liai à une jeune que j'avais connue à Bruxelles. Nous ne nous séparions pas l'un de l'autre. Nous étions tous deux rescapés des camps. Peu de temps après nous nous mariâmes, deux réfugiés qui n'avaient rien, il n'y avait pas même un rabbin pour nous donner la bénédiction. Le directeur de l'une des écoles juives servit de rabbin et nous maria et ainsi je commençais une nouvelle vie[36]. »
Au recensement de 1951, on ne dénombrait que 1 783 rescapés. La communauté n'était plus que l'ombre d'elle-même.
L'érection d'un monument symbolisant la déportation des Juifs tarda longtemps à venir, ce n'est qu'en 1997 que la municipalité décida de faire construire un mémorial en lointaine banlieue et non en centre-ville comme cela avait été suggéré[38]. Les administrateurs successifs de l'université Aristote ont quant à eux toujours refusé d'y ériger un quelconque monument pour rappeler la présence de l'ancien cimetière juif sous les fondations de l'université et ce malgré les demandes répétées de nombreux professeurs[38]. En 1998, le roi Juan Carlos Ier d'Espagne s'est rendu à Salonique, où il a rendu hommage aux Juifs sépharades[39]. Cette visite faisait suite à celle qu'il avait entreprise à la synagogue de Madrid en 1992 pour la commémoration de l'expulsion de 1492 à l'occasion de laquelle il avait fait la critique du décret d'expulsion.
Aujourd'hui 1 300 Juifs vivent à Thessalonique[40] ce qui fait de cette communauté la deuxième de Grèce après Athènes
Culture
Généralement, les Juifs qui émigraient adoptaient la langue du pays, mais ce ne fut pourtant pas le cas des Sépharades de l'Empire ottoman qui, arrivés en masse, conservèrent l'usage de leur idiome. Les Juifs de Salonique rapportèrent donc d'Espagne leur langue, le judéo-espagnol (djudezmo), c'est-à-dire ni plus ni moins que l'espagnol du XVe siècle ayant évolué de manière autonome et qu'ils utilisaient dans leurs relations courantes. Ils priaient et étudiaient en hébreu et en araméen et utilisaient comme toutes les autres communautés sépharades ce que Haïm Vidal Séphiha appelle le « judéo-espagnol calque », le ladino qui consistait en une traduction des textes hébraïques en un espagnol respectant l'ordre des mots et la syntaxe hébraïque[41]. Ces deux langues, djudezmo et ladino, s'écrivaient en caractères hébraïques ainsi qu'en caractères latins pour le judéo-espagnol. En sus de ces langues qu'ils avaient apportées d'exil, les Juifs de Salonique parlaient parfois le turc ottoman, la langue de l'Empire écrite en caractères arabes. La haskala propagée par les Juifs francs permit la large diffusion du français enseigné dans les écoles de l'Alliance israélite universelle et dans une moindre mesure de l'italien. Après la prise de Salonique par les Grecs en 1912, le grec fut imposé à l'école et donc appris par plusieurs générations de Juifs saloniciens. De nos jours, c'est cette langue qui domine parmi les quelques Juifs encore présents à Salonique.
Le djudezmo de Salonique, du fait de la venue de nombreux Juifs d'Italie dans la communauté, comportait beaucoup d'italianismes tant du point de vue lexical que syntaxique, l'influence du français du fait de la francophilie galopante des Saloniciens s'y faisait aussi sentir, au point que Séphiha parle de « judéo-fragnol »[41].
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cimeti%C3%A8re_juif_de_Salonique
Progression de l'occupation
Le cimetière a constitué une source d'informations très importante sur le passé de la communauté et plusieurs historiens en ont fait l'étude. Les tombes les plus anciennes que l'on y a trouvé sont celles d'Ashkénazes venus avant la grande migration sépharade de 1492[2]. Les premiers arrivants sépharades installèrent les tombes de leurs défunts sur les hauteurs sans économiser d'espace et sans donner au cimetière d'ordre bien défini. Peu à peu le cimetière avança vers la côte, qu'il atteignit au XVIIe siècle, l'espace entre les tombes devenant de plus en plus restreint[2]. Une nouvelle couche de tombes commença alors à recouvrir les sépultures les plus anciennes[2]. La taille des dalles augmenta avec le temps. Alors qu'au début du XVIe siècle elles ne dépassaient pas la taille du corps les Juifs prirent de plus en plus l'habitude d'édifier d'imposantes dalles. Au XIXe siècle on vit même apparaitre de somptueuses sépultures commandées par les Juifs les plus riches, généralement originaires de Livourne exécutées en Italie et décorées artistiquement selon les canons de l'esthétisme européen[2].
Les inscriptions épigraphiques, traditionnellement en hébreu dans les cimetières juifs anciens étaient à Salonique parfois accompagnées de transcriptions en une autre langue. Ceci concernait avant tout les tombes des nombreux marranes qui s'étaient réfugiés à Salonique au XVIIe siècle. Beaucoup avaient perdu la connaissance de l'hébreu et l'on composa pour eux des épitaphes en castillan[2]. Certains Juifs d'Italie arrivés à la même époque procédèrent de même faisant graver des textes bilingues italien-hébreu sur les tombes. On a aussi retrouvé des dalles gravée en yiddish langue des ashkénazes et plus rarement en allemand. À partir du XIXe siècle époque à laquelle l'influence européenne et notamment française commença à se faire sentir le cimetière commença à contenir des inscriptions en français et dans une moindre mesure en judéo-espagnol[2].
Au début XVIe siècle il n'existait pas de culte spécial dans le cimetière en dehors des rites funéraires juifs mais peu à peu, sans doute sous l'influence musulmane[2] et alors que le mysticisme gagnait de plus en plus d'adeptes parmi la population issue des milieux populaires on vit apparaître des cultes spéciaux ayant pour théâtre le cimetière. Les femmes s'y rendaient deux fois par ans en pèlerinage, au printemps à l'époque de Pessa'h et à la fin de l'été. Les hommes une fois, durant le mois d'eloul avant Roch Hachana[2]. Le cimetière était alors envahi de pèlerins qui louaient les services de guides professionnels, les honadjis qui possédaient une grande connaissance de la géographie du cimetière et aidaient les personnes venant se recueillir à trouver les tombes de leurs proches où d'illustres rabbins auxquels ils venaient rendre hommage[2]. Les sépultures de certains de ces rabbins étaient réputées pour leurs propriétés magiques et l'on venait y trouver du réconfort face aux malheurs de la vie quotidienne. Des guérisseuses en tout genre venaient y proposer leurs services prononçant formules magiques, incantations et sortilèges à proximité des sépultures réputées curatives[2].
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