Thessalonique

 

Commentaires personnels : Je suis née à Thessalonique.

Grèce antique

Thessalonique fut fondée par Cassandre de Macédoine en -315, et baptisée ainsi en l'honneur de sa femme à qui il offrit la ville en gage de son amour. Le nom de Thessalonique, fille de Philippe II de Macédoine et demi-sœur d'Alexandre le Grand, provient de la contraction des mots Θεσσαλών (Thessaliens) et νίκη (victoire), en commémoration de la victoire des Macédoniens sur les habitants de Phocide avec l'aide des Thessaliens (voir Thessalie).

En 50, Saint Paul vient y prêcher le christianisme, nombre de Saloniciens se convertissent secrètement.

Cependant le Xe siècle et le début du XIe siècle correspondent à une période de redressement et l'empire est réorganisé en thèmes. Thessalonique devient la capitale d'un thème destiné à durer jusqu'au XVe siècle. La ville tombe ensuite aux mains des Croisés, sur ordre du pape de l'époque, qui avait peur de perdre une importante part de son autorité pontificale, le chef religieux de ce qui allait devenir la chrétienté orthodoxe étant l'empereur byzantin, ordre appuyé par la puissance économique des Ducs de Gênes, qui voyaient en cette attaque un moyen de piller les richesses de la ville et d'asseoir leur domination maritime sur la Méditerranée. En 1313, elle fut de nouveau réintégrée à l'Empire de Constantinople. En 1430, elle fut prise par les Turcs qui l'appelèrent Selanik.

Empire ottoman

Tour blanche de Thessalonique

Suite à l'expulsion des Juifs d'Espagne de nombreux juifs sépharades se sont installé à Thessalonique formant l'une des plus importantes communautés juives d'Orient et constituant durant plusieurs siècles la majorité des habitants de cette cité. À partir du XVIIe siècle et jusqu'au rattachement à la Grèce en 1912, la ville fut centre du mouvement messianique juif, déclenché par Sabbataï Tsevi. Les Sabbatéens y étaient regroupés jusqu'à l'échange de populations qui les conduisit en Turquie dans les années 1920.

Au XIXe siècle, elle fut la quatrième ville de la Turquie, et un important centre politique. Le Parti Union et Progrès a vu le jour à Thessalonique, ainsi que les premières loges maçonniques turques. La révolution constitutionnaliste de 1908 a débuté ici, ce qui lui a valu le surnom de la Kaaba de la Liberté. Après avoir été détrôné, le Sultan Abdülhamid II a été assigné à résidence dans cette ville, dans la demeure des Allatini.

Thessalonique est également le lieu de naissance de Mustafa Kemal Atatürk — fondateur de la Turquie moderne — en 1881. Sa maison natale est aujourd'hui un musée.

Grèce moderne 

Thessalonique moderne

Salonique au début du XXe siècle est une ville multiethnique : elle compte autour de 120 000 habitants, dont

80 000 Juifs, 15 000 Turcs et 15 000 Grecs, 5 000 Bulgares et 5 000 Occidentaux. Elle est une des quatre plus grandes villes de l'Empire ottoman. Elle en est une des villes les plus modernes et un des plus grands ports. Salonique est aussi devenue un important centre de bouillonnement politique. Ainsi, le Comité ottoman de la Liberté, qui joue un rôle important dans la direction du mouvement des Jeunes-Turcs voit le jour à Thessalonique en août 1906.
Durant la première guerre balkanique, un des objectifs de la Grèce, dans le cadre de la Grande Idée est Thessalonique. Elle

est conquise en novembre 1912. Dès le premier jour de la nouvelle occupation grecque, les non-musulmans abandonnent le port du fez, et de nombreux Turcs quittent la ville. La langue grecque est de nouveau largement utilisée, tandis que l'usage du turc diminue considérablement. De même, les églises byzantines, transformées en mosquées par les Ottomans, redeviennent des lieux de cultes chrétiens.
La Première Guerre mondiale intervient au moment où Thessalonique commence à s'intégrer à l'État grec. Au début du conflit, la Grèce est un pays neutre, mais traverse une grave crise politique entre partisans de la Triple-Entente et partisans de la Triplice. Une partie des troupes évacuées des Dardanelles à l'automne 1915, elle forme l'Armée française d'Orient et est envoyée au secours de la Serbie en s'installant à Thessalonique, qui constitue une base logique pour réaliser leur objectif. L'opération se nomme expédition de Salonique avant de devenir le front d'Orient. Vénizélos, le Premier ministre favorable à l'Entente les y autorise. En 1916, un total de 400 000 soldats français, britanniques et serbes sont présents dans la ville.
La présence alliée dans la ville joue un rôle politique décisif : chassé du poste de Premier ministre, Vénizélos quitte Athènes et rejoint Thessalonique le 26 septembre 1916. Un « Gouvernement de défense nationale » est organisé. Thessalonique devient alors capitale d'une région en révolte, mais aussi le quartier général des Alliés qui soutiennent ce mouvement. Après l'abdication du roi en juin 1917, Vénizélos retourne à Athènes et Thessalonique perd son statut de capitale de la Grèce.
En août 1917, tout le centre de la ville est ravagé par un incendie catastrophique. 9 500 bâtiments sont détruits, laissant 70 000 personnes sans abri. La reconstruction de la ville permet une complète restructuration de son plan et de son organisation spatiale.

C'est à Thessalonique que les Allemands ont installé leur Quartier Général lors de leur occupation de la Grèce durant la Seconde Guerre mondiale. Ils vont déporter massivement les Juifs de Salonique dont la principale communauté est sépharade et installée depuis le XVIe siècle à la suite de l'inquisition espagnole. On estime que 98% de la communauté a été exterminée pendant la shoah.

Après la Seconde Guerre mondiale et le début de la Guerre froide, la ville connaît des difficultés. Le rideau de fer la coupe de son hinterland commercial : toutes les routes commerciales qui avaient fait sa fortune sont interrompues. Dans les années 1950, la ville connaît une nouvelle transformation urbanistique, principalement dans la ville basse. La Foire Internationale de Thessalonique, héritière des foires de la Saint-Dimitri du Moyen Âge, recréée en 1926, est le plus grand centre d'exposition du pays faisant de Thessalonique avant tout un centre d'affaires et une grande foire internationale, plutôt qu'une destination touristique.

 

Histoire des Juifs à Salonique

Famille juive de Salonique en 1917.
Évolution de la population de Salonique rapportée à ses trois principales communautés juive, turque et grecque (1500–1950).

La ville de Thessalonique, anciennement Salonique, a abrité jusqu'à la Seconde Guerre mondiale une très importante communauté juive d'origine sépharade. C'est le seul exemple connu d'une ville de diaspora de cette taille ayant conservé une majorité juive pendant plusieurs siècles. Arrivés pour la plupart à la suite de l'expulsion des Juifs d'Espagne de 1492, les Juifs sont indissociablement liés à l'histoire de Thessalonique et le rayonnement de cette communauté tant au plan culturel qu'économique s'est fait sentir sur tout le monde sépharade. La communauté a connu un âge d'or au XVIe siècle puis un déclin relatif jusqu'au milieu du XIXe siècle, époque à partir de laquelle elle a entrepris une importante modernisation aussi bien économique que cultuelle. L'histoire des Juifs à Salonique a ensuite pris un cours tragique suite à l'application de la Solution finale par le régime nazi qui s'est traduite par l'élimination physique de l'immense majorité des membres de la communauté.

 

Histoire

Les premiers Juifs

On sait qu'il y eut une présence juive à Thessalonique dès l'Antiquité comme l'atteste l'épître aux Thessaloniciens de Paul de Tarse destinée aux Juifs hellénisés de cette cité. En 1170, Benjamin de Tudèle dénombre 500 Juifs à Salonique. Dans les siècles suivants vinrent s'ajouter à cette communauté romaniote (c'est-à-dire de langue grecque) quelques italiotes et ashkénazes. Il y a donc eu une présence juive durant la période byzantine mais celle-ci est restée minimale et n'a pratiquement laissé aucune trace[1]. Le lieu d'établissement des premiers Juifs dans la ville n'est d'ailleurs pas connu avec certitude[2].

Au début de la domination ottomane sur Salonique à partir de 1430, les Juifs restèrent très peu nombreux. Les Ottomans avaient pour habitude d'effectuer des transferts de populations à l'intérieur de l'empire au gré des conquêtes militaires par la méthode dite du Sürgün et, suite à la prise de Constantinople en 1453, le pouvoir ottoman obligea les Juifs des communautés des Balkans et d'Anatolie à venir repeupler la nouvelle capitale de l'Empire rebaptisée Istanbul[3]. En conséquence de ces mesures, Salonique fut vidée de sa population juive comme en témoigne le recensement ottoman de 1478 qui n'y dénombre aucun Juif[1].

 

Arrivée des Juifs sépharades

Article détaillé : diaspora juive.
Les flux de la diaspora juive convergeant vers Salonique.

Ce n'est qu'après l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492 suite au décret d'Alhambra que Salonique devint progressivement un foyer d'accueil pour de nombreux Juifs en provenance d'Espagne soit directement, soit après un passage par le Portugal ou par l'Italie du Sud, pays qui adoptèrent aussi ultérieurement des arrêts d'expulsion. En effet, l'Empire ottoman se référant à la législation musulmane sur les gens du livre (en arabe ahl al-kitâb) qui accordait une protection aux chrétiens et Juifs soumis au statut de dhimmi accepta et même encouragea l'installation sur son territoire des Juifs touchés par les décrets d'expulsion.

Les premiers Sépharades arrivèrent dès 1492 en provenance de Majorque. Ils étaient des « repentants » revenus au judaïsme après leur conversion forcée au catholicisme. En 1493, des Castillans et des Siciliens les rejoignirent puis, les années suivantes, d'autres Juifs issus de ses contrées vinrent mais aussi des Aragonais, des Valenciens, des Calabrais, des Vénitiens, des Apuliens, des Provençaux et des Napolitains. Plus tard, entre 1540 et 1560, ce fut au tour des Portugais de chercher refuge à Salonique suite à la politique de persécution des marranes de ce pays. En plus de ces sépharades arrivèrent quelques ashkénazes originaires d'Autriche, de Transylvanie et de Hongrie parfois transférés de force lors de sürgün, suite de la conquête de ces terres par Soliman le Magnifique à partir de 1526. Ainsi les registres de Salonique indiquent la présence de « Juifs de Buda » après la conquête de cette ville par les Turcs en 1541[3],[1].

Tant et si bien qu'en 1519, les Juifs représentaient déjà 56 % des habitants et en 1613, 68%[1].

 

La Jérusalem des Balkans

Organisation religieuse

Chaque groupe d'arrivants fonda sa propre communauté (aljama en castillan) dont les rites (minhaggim) différaient de ceux des autres communautés. La synagogue formait le ciment de chaque groupe et leur nom rappelait le plus souvent l'origine des arrivants. Les communautés n'étaient pas exemptes de scissions, ceci explique par exemple l'existence d'une Katallan Yachan (ancienne Catalogne) fondée en 1492 puis de l'apparition d'une Katallan Hadach (nouvelle Catalogne) à la fin du XVIe siècle[3] :

Nom de la synagogueDate de constructionNom de la synagogueDate de constructionNom de la SynagogueDate de construction
Ets ha Haim Ier s. av. J.-C. Apulia 1502 Yahia 1560
Achkenaz ou Varnak 1376 Lisbon Yachan 1510 Sicilia Hadach 1562
Mayorka 1391 Talmud Torah Hagadol 1520 Beit Aron 1575
Provincia 1394 Portugal 1525 Italia Hadach 1582
Italia Yashan 1423 Evora 1535 Mayorka Cheni Fin XVIe s.
Gueruch Sfarad 1492 Estrug 1535 Katallan Hadach Fin XVIe s
Kastilla 1492-3 Lisbon Hadach 1536 Italia Cheni 1606
Aragon 1492-3 Otranto 1537 Shalom 1606
Katallan Yachan 1492 Ichmael 1537 Har Gavoa 1663
Kalabria Yachan 1497 Tcina 1545 Mograbis XVIIe s.[4]
Sicilia Yachan 1497 Nevei Tsedek 1550

Une institution fédérale nommée talmud torah hagadol fut mise en place en 1520 pour chapeauter l'ensemble des congrégations et prendre des décisions (ascamot) s'appliquant à tous. Elle était administrée par sept membres au mandat annuel. Cette institution pourvoyait à l'éducation des jeunes garçons et constituait un cours préparatoire d'entrée aux yechivot. De très grande renommée, elle accueillait des centaines d'élèves[5]. En plus des études juives, on y enseignait les humanités latines et arabes ainsi que la médecine, les sciences naturelles et l'astronomie[6]. Les yechivot de Salonique étaient quant à elles fréquentées par les Juifs de tout l'Empire ottoman et même de plus loin ; on y comptait des élèves venus d'Italie comme d'Europe de l’Est. Après avoir terminé leurs études, certains élèves étaient nommés rabbins dans les communautés juives de l'Empire voire à Amsterdam ou à Venise[5]. La réussite des institutions éducatives était telle qu'il n'y avait aucun analphabète parmi les Juifs de Salonique[6].

Activités économiques

Au XVIe siècle, Salonique est située au cœur de l'empire ottoman et sa communauté rayonne sur tout le monde juif oriental.

La population sépharade s'installa principalement dans les grands centres urbains de l'Empire ottoman, Istanbul, Salonique et plus tard Izmir. Contrairement aux autres grandes villes de l'Empire où le négoce était principalement aux mains des chrétiens, Grecs et Arméniens, à Salonique ce sont les Juifs qui le contrôlaient. Leur puissance économique y devint si grande que le port et les commerces ne fonctionnaient pas le samedi, le jour du chabbat chômé dans le judaïsme. L'activité économique se déroulait en lien avec le reste de l'Empire ottoman mais aussi avec les États latins de Venise et de Gênes, ainsi que bien entendu avec toutes les communautés juives dispersées dans le bassin méditerranéen. Un signe de l'influence des Juifs saloniciens sur le négoce de cette zone est le boycott en 1556 du port d'Ancône situé dans les États pontificaux suite à l'autodafé de 25 marranes décidé par le pape Paul IV[7].

La particularité des Juifs saloniciens était qu'ils occupaient toutes les niches économiques n'étant pas cantonnés à quelques secteurs comme c'était le cas là où les Juifs étaient minoritaires. On les retrouvait donc à tous les niveaux de l'échelle sociale, du portefaix jusqu'au grand négociant. Chose exceptionnelle, Salonique comptait un grand nombre de pêcheurs juifs, cas pratiquement unique que l'on ne retrouvait qu'en Eretz Israel (Terre d'Israël)[8].

Mais la grande affaire des Juifs était la filature de la laine. Ils importèrent les techniques d'Espagne où cet artisanat était très développé. Seule la laine, plus grossière, différait à Salonique. La communauté prit très vite des décisions (ascamot) s'appliquant à toutes les congrégations pour règlementer cette industrie, ainsi il était interdit sous peine d'excommunication (kherem) d'exporter la laine et l'indigo à moins de trois jours de route de la ville[9]. Les draps, couvertures et tapis saloniciens acquirent très vite une grande notoriété et étaient exportés dans tout l'Empire, d'Istanbul à Alexandrie en passant par Smyrne et l'industrie se diffusa dans toutes les localités proches du golfe Thermaïque. Cette activité devint même une affaire d'État quand le sultan décida de vêtir les troupes de janissaires de lainages saloniciens chauds et imperméables. Des dispositions furent alors prises pour protéger l'approvisionnement. Ainsi un firman de 1576 obligeait les éleveurs de moutons à fournir en exclusivité leur laine aux Juifs tant que ceux-ci n'avaient pas acquis la quantité de laine nécessaire au filage des commandes de la Sublime Porte. D'autres dispositions règlementaient strictement les types de lainage à produire, les normes de production et les délais[9]. Des tonnes de lainages étaient transportées à Istanbul par bateau, à dos de chameau et de cheval puis étaient solennellement distribuées aux corps de janissaires à l'approche de l'hiver. Vers 1578, il fut décidé par les deux parties que l'approvisionnement en drap servirait de redevance au trésor de l'État et remplacerait le paiement en espèces, choix qui allait par la suite se révéler très néfaste pour les Juifs[9].

 

Suite !!

 

 

 

 


 

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